Fonction cognitive et micronutrition

Fonction cognitive et micronutrition

5 juin 2025Batuhan Bozkurt

Les compléments alimentaires ont pour objet de compléter l’alimentation de manière générale. Ils apportent des vitamines, des minéraux, des oligo-éléments ou des antioxydants. A vrai dire, les suppléments nutritionnels consommés par des millions de personnes chaque jour ont assez peu changé après plus de 70 ans d’existence. L’objectif sera toujours de compenser des besoins nutritionnels qui ne seraient pas assurés par l’alimentation. Sur le principe, cet objectif est atteint même si nous n’avons pas de données objectives sur l’efficacité de nombreux compléments alimentaires sur le plan statistique. Le magnésium et la vitamine D font exception car des mesures cliniques ont validé l’intérêt d’une telle supplémentation. Aujourd’hui, le consommateur veut aller plus loin en adaptant sa prise de compléments en fonction des besoins ou des objectifs santé qu’il poursuit. L’un de ces objectifs est celui de la performance cognitive. Autrement dit, est-il possible d’alimenter le corps et le système nerveux afin de stimuler la mémoire, la logique, la réflexion, les performances cognitives et la vigilance avec des nutraceutiques ciblés ?  

Les compléments alimentaires et les nutraceutiques pour stimuler la performance cognitive

Le terme de complément alimentaire fait référence à une définition générale, celle d’un produit destiné à compléter les repas en nutriments, en macronutriments (protéines, glucides, lipides) ou en micronutriments (vitamines, minéraux, oligo-éléments, antioxydants). A l’opposé, un nutraceutique est une molécule ou un nutriment qui répondrait plutôt à un objectif spécifique. Il peut s’agir de la santé de la peau, des articulations, de la vision, de la digestion et bien d’autres applications physiologiques. La recherche scientifique valide l’effet de ces substances naturelles sur le fonctionnement normal du système nerveux. Disons qu’il s’agirait littéralement d’applications dans le sens où certains nutriments sont impliqués dans tel ou tel métabolisme. Un nutriment pour une fonction organique ou cellulaire, c’est sur ce principe que nous définissons les nutraceutiques…

Les nutraceutiques : une molécule ou un nutriment pour une application précise

Par exemple, le collagène est en relation avec la peau, les articulations, les muscles et les ligaments. Il s’agit d’une protéine structurelle très abondante dans le corps humain.  La vitamine D est impliquée dans la santé du système immunitaire mais aussi dans la force musculaire, l’humeur et le bien-être. Pourtant, une des questions qui se pose de plus en plus fréquemment dans le monde de la nutrition ciblée est celle de la performance cognitive. Etudiants, chefs d’entreprises, entrepreneurs, adeptes du gaming ou personnes qui doivent sur focaliser sur une tâche pendant un long moment, ces personnes se demandent comment s’alimenter de manière optimale afin de nourrir leur système nerveux central, autrement dit, leur cerveau et ses performances cognitives…       

Votre cerveau est un système organique complexe qui s’agit d’alimenter correctement

Le système nerveux central (cerveau et moelle épinière) sont composés de centaines de millions de cellules, neurones et cellules gliales. Elles agissent sur les fonctions cognitives élémentaires, c’est à dire l’attention consciente, la mémoire à court et à long terme, les fonctions visuelles et spatiales ainsi que le langage par l’articulation des phonèmes et de la symbolisation. Si vous utilisez ces quatre fonctions fondamentales sans même vous en rendre compte, l’utilisation optimale de vos capacités cognitives n’est pas toujours à l’ordre du jour. En effet, la fatigue, le stress et diverses préoccupations peuvent réduire votre attention et votre capacité à raisonner clairement. Dès lors, est-il possible d’améliorer votre alimentation afin de stimuler le travail du cerveau, ses facultés cognitives et intellectuelles ? 

Naturellement, la recherche scientifique a démontré que certains nutriments présentaient une influence positive sur le fonctionnement du cerveau. C’est par exemple le cas des acides gras essentiels oméga 3 EPA et DHA sur le développement du système nerveux du fœtus, de l’enfant mais aussi à l’âge adulte. Nous le savons, la concentration, l’apprentissage de nouvelles connaissances et leur utilisation, la vigilance et la mémoire dépendent de notre alimentation et des nutriments plus spécifiques que nous apportons à notre organisme. 

Les nootropes, des substances actives qui agissent sur la performance cognitive

La cognition fait référence aux processus multiples qui aboutissent sur la pensée, le raisonnement et le traitement de l’information par le cerveau. Ainsi, les performances cognitives peuvent varier, en fonction des individus et de leur condition physique (vigilance optimale, fatigue, stress, état dépressif…). Autrement dit, l’intelligence et les performances cognitives peuvent varier en fonction des circonstances, des situations personnelles et de la capacité personnelle d’un individu en matière de raisonnement intellectuel. De manière plus basique, l’intelligence se définit par l’appropriation de l’information, de sa gestion et de ses applications dans le cadre de la réalité quotidienne. 

Cette faculté peut cependant être améliorée par les nootropes, des substances actives et naturelles qui agissent sur le fonctionnement du système nerveux central et périphérique. Il y a de cela plusieurs décennies, la recherche scientifique a découvert qu’une famille de molécule, les racétams, présentait un potentiel nootropique significatif. Piracétam et dérivés permettaient effectivement d’améliorer la vigilance, la réflexion, la mémoire et la créativité d’un individu. Toujours est-il que les racétams sont des molécules réservées à la recherche scientifique. Elles aboutiront sur des formules médicamenteuses, prometteuses pour certaines d’entre-elles. Pourtant, bien d’autres molécules naturelles présentent un potentiel nootropique démontré par la science. Elles méritent que l’on s’y attardent plus longuement…  

Existe t-il des nootropes naturels et considérés comme des nutraceutiques du système cognitif ?

Oui, certaines molécules naturelles peuvent être considérés comme des nootropes ou précurseurs de la fonction cognitive dans le sens où elles sont nécessaires au maintient de l’activité cérébrale et des  fonctions cérébrales. Par exemple, la première d’entre-elles est la caféine, un stimulant qui renforce la vigilance et l’éveil. Intuitivement, nous en avons tous fait l’expérience en consommant du café ou du thé pour maintenir la concentration devant des tâches de bureau, des dossiers à traiter, des leçons à apprendre ou des examens à préparer. Ainsi, la caféine nous permet de gérer une charge de travail plus élevée tout en faisant reculer la fatigue mentale liée à la sollicitation intensive de nos capacités cognitives. Les performances cérébrales et intellectuelles seraient alors améliorées par les effets stimulants de la caféine. Mais à part la caféine, il existe bien d’autres nootropes naturels, même s’ils sont bien moins connus…

L-Tyrosine, choline, citicoline sont des nootropes naturels, facilitant le travail cérébral

Prenons par exemple l’acide aminé L-Tyrosine, précurseur de l’adrénaline mais aussi de la choline, précurseur d’un neurotransmetteur essentiel, l’acétylcholine. Cette dernière est essentielle aux fonctions nerveuses et intellectuelles car elle participe à la transmission de l’influx nerveux entre les cellules. Des molécules brevetée ont même été développées à partir de la choline. C’est par exemple le cas de la citicoline, un dérivé actif de la choline, agissant de manière positive sur les fonctions cérébrales (mémoire, attention, vigilance…). En outre, la citicoline serait protectrice des neurones tout en présentant un certain bienfait sur le déclin cognitif. Mais hormis les acides gras oméga 3, la choline, la caféine ou certains acides aminés comme la tyrosine, existe t-il d’autres composants naturels susceptibles de faciliter le travail cérébral ? 

Certains végétaux et champignons présentent des effets nootropiques très intéressants…

La science nous informe que certains extraits végétaux voire même quelques champignons présentent un potentiel nootropique particulièrement intéressant. C’est par exemple le cas du Bacopa monieri, du Gingko biloba ou de l’Hericium erinaceus en particulier. En tant qu’adaptogène, le Ginseng présenterait également de l’intérêt sur ce plan. Nous pourrions probablement le considérer comme un nootrope naturel car il agit sur le métabolisme du GABA. Plus étonnant, un champignon connu sous le nom latin d’Hericium erinaceus ou de Hydne hérisson en français, est connu de la recherche scientifique pour ses propriétés nootropes tout à fait particulières. En anglais, ce dernier est également connu sous le nom de Lion’s mane de par sa ressemblance avec la crinière du lion. Ses composants actifs présentent la particularité de renforcer les effets de deux facteurs de croissance spécifiques au système nerveux du nom de NGF (Nerves Growth Factor) et de BDNF (Brain Derived Neurotrophic Factor). Ceux-ci agissent directement sur la croissance des neurones au cœur du cerveau et du système nerveux périphérique. Disons qu’il s’agit d’une propriété assez exceptionnelle pour un champignon, voire même pour un aliment de manière générale…

Bacopa monieri et Gingko biloba font-il partie des nootropes naturels ?

Quant au Bacopa monieri, il s’agit d’un végétal étudié par la science au cours d’études scientifiques et cliniques pour son potentiel nootropique supposé. Ses effets stimulants du système nerveux passent par d’autres voies que la caféine ou l’Hydne hérisson. Diverses molécules actives nommées bacosides seraient responsables de ses effets sur les performances cérébrales et intellectuelles. Il agirait positivement en tant que neuroprotecteur tout en stimulant plusieurs neurotransmetteurs, dont la dopamine, la sérotonine, l’acétylcholine et le GABA. Autrement dit, le Bacopa monieri agirait comme un adaptogène spécifique du système nerveux de part ses effets sur la neurotransmission. De même, un autre végétal, le Centella asiatica, présenterait lui aussi un effet nootrope potentiellement intéressant. Cependant, chaque végétal (ou champignon) agirait d’une façon qui lui est particulière, par le biais des composés actifs qu’il apporte à l’organisme. Dès lors, chacun d’entre-eux pourrait être utilisé en tant que nutraceutique dans une formule de complément alimentaire ou des aliments eux-mêmes.

Quant au Gingko biloba, on lui connait également une influence sur le système nerveux et le fonctionnement cérébral normal par ses effets sur la circulation sanguine et la fluidité du sang, notamment sur les petits vaisseaux sanguins. Ainsi, la recherche scientifique nous laisse penser que le Gingko biloba faciliterait la circulation du sang dans le système nerveux central, encourageant la circulation des nutriments par la même occasion. De cette façon, il agirait sur l’acuité mentale, la mémorisation et la réflexion cognitive. De manière générale, les végétaux renferment des substances actives dont les effets sur le corps humain sont parfois surprenantes. Pourtant, nous n’en connaissons pas encore toutes les facettes !

Vitamines et minéraux présente t-il un potentiel mélioratif sur le fonctionnement du cerveau et les capacités cognitives ?

Disons que les vitamines ne sont pas connues comme étant des nutraceutiques directs  du système nerveux. Mais indirectement, il n’est pas faux de dire par exemple que les vitamines du groupe B (de B1 à B12) agissent sur le fonctionnement normal du cerveau en tant que cofacteurs essentiels de l’énergie. D’autre part, ces vitamines, notamment la vitamine B6 (pyridoxine) et B12 (cobalamine), participent à un métabolisme essentiel à la santé, celui de l’homocystéine. Cela explique aussi pourquoi nos snacks et produits alimentaires apportent des vitamines du groupe B dans cette optique. De la même manière, le magnésium participe à la relaxation du système nerveux, c’est un fait bien connu par tous. En outre, ce minéral participe à la régulation de l’ATP, évitant que l’énergie cellulaire soit perdue avant d’être distribuée là où elle doit l’être. Mentionnons également le rôle de la vitamine D sur la sérotonine dont elle stimule la synthèse. Indirectement, cette vitamine participe participe à la régulation de l’humeur, contre la déprime…

Le fer, le zinc et le sélénium participent directement ou indirectement à la santé de vos neurones !

De manière similaire, le fer est un micronutriment nécessaire au fonctionnement normal du système nerveux en assurant une synthèse suffisante d’énergie immédiatement disponible. En effet, une carence durable en fer pourrait entrainer des troubles de l’attention et des trous de mémoire, le cerveau étant particulièrement sensible aux carences énergétiques. Le zinc contribue lui aussi à vous assurer une capacité cognitive optimale car il est impliqué dans la synthèse des neurotransmetteurs. Les scientifiques estiment d’ailleurs qu’une carence en zinc augmenterait le risque de maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer, les troubles du comportement ou de l’attention.

Les oméga 3, des acides gras essentiels dont l’importance est capitale pour la santé du cerveau

Comme nous l’avons remarqué, les acides gras essentiels oméga 3 ont également un rôle capital à jouer sur le développement et le maintien des facultés cognitives et intellectuelles. Ils réduisent l’inflammation, laquelle peut devenir chronique avec le vieillissement. En tant qu’acides gras, ils participent à la constitution des membranes cellulaires parmi d’autres bienfaits. La consommation de poissons gras (saumon, truite, sardine…) et d’huiles végétales de haute qualité nutritionnelle seront donc conseillées afin de maintenir la santé du système nerveux et du cerveau.  

Ne confondez pas nootrope et pathologie nerveuse, consultez votre médecin si cela se justifie…

Enfin, gardez à l’esprit que les molécules ou micronutriments qui présentent un certain potentiel mélioratif sur la performance cérébrale et cognitive n’ont rien à voir avec des substances pharmaceutiques. En aucun cas, ils ne peuvent remplacer une médication prescrite par un professionnel de santé. Si vous présentez des symptômes de déficience nerveuse ou cognitive (trous de mémoire, difficultés de raisonnement, absences répétées, vertiges légers…), consultez votre médecin traitant. Ne procédez jamais à une auto-médication, quoi qu’elle puisse être. Rappelez-vous que de profiter de performances cérébrales optimales n’a rien à voir avec le fait de souffrir d’une déficience cognitive, laquelle doit être traitée sur le plan médical par des professionnels de santé.

Nutraceutiques et nootropes pour affuter les performances cérébrales de manière naturelle

Pour conclure cette courte introduction sur les nutraceutiques et nootropes, essayons de garder à l’esprit que le système nerveux et le cerveau en particulier sont des organes particulièrement complexes, tant au niveau de leur structure que de leurs besoins nutritionnels. Comme tous les organes, le cerveau a besoin de glucose pour fonctionner normalement. Notre système nerveux est d’ailleurs un des organes les plus consommateurs en énergie. Cependant, un grand nombre de nutriments peuvent présenter un potentiel nootrope tout à fait significatif, qu’il s’agisse par exemple de la choline, des vitamines du groupe B (synthèse de l’énergie), des acides gras essentiels oméga 3 ou de nutriments plus exotiques comme le Lion’s mane ou le Bacopa monieri parmi d’autres exemples significatifs…

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